SUR LES
TRACES DU PASSE DE REICHSHOFFEN
Période
du Moyen Âge (de 995 à 1641)
Reichshoffen en 1789


Aujourd'hui,
il reste trois tours de l'ancienne forteresse de la
ville.
En
995
En l'an 995, il est fait mention pour la
première fois de Reichshoffen dans un document de
l'empereur Otton IlI, 982-lO02, qui accorda à l'abbaye
de Seltz "capellam in
Richeneshovan", et dans un autre de Henri IV,
1056-llO6, qui donna en 1074 à la même abbaye des biens
situés «ad Richeneshoven». Il est à noter que les
rois francs possédaient, à côté de leurs aïeux,
différentes villas, demeures somptueuses entourées de
fermes dont les ressources devaient couvrir les frais de
leurs séjours. Il était courant de faire don de ces
villas et fermes à des serviteurs fidèles et dévoués
tels que ducs, comtes, évêques.
En 1232
En 1232, Reichshoffen est nommé dans un acte par lequel
Matthäus II, duc de Lorraine, en fait don à l'évêché
de Strasbourg pour obtenir le pardon de ses fautes et
assurer le salut de son âme. Les ducs de Lorraine
restent cependant seigneurs et suzerains de la forteresse
d'après le dictionnaire topographique de
Baquol-Ristelhuber ; la construction de l'ancien château
de Reichshoffen communément appelé château des
Ochsenstein a été commencée en 1232. Il se trouvait au
nord-ouest de l'actuel château et il subsiste encore
aujourd'hui une partie de la tour située sur la limite
ouest de l'ancienne forteresse.
Frédéric III, fils de Matthäus le cède en 1272 à
Henri de Fleckenstein, seigneur de Sulz.
Peu après éclate la guerre entre le duc de Lorraine et
Conrad III de Lichtenberg, évêque de Strasbourg.
Reichshoffen passe sans cesse des mains des uns à celles
des autres et ce n'est qu'à la paix, signée le Jour de
la chandeleur, 1286, que Frédéric III abandonne tous
ses droits sur la seigneurie et la forteresse de
Reichshoffen qui deviennent propriété de l'évêché de
Strasbourg.

Sur le sceau de Reichshoffen, en 1653,
figurait encore les armes des Ochsenstein.
COMTES D'OCHSENSTEIN
Comtes d'Ochsenstein (1286-1485). C'est à ce moment
qu'entre en scène Otton Ill d'Ochsenstein (ne pas
confondre avec Otton Ill empereur, cité précédemment).
Celui-ci avait combattu le duc de Lorraine et puissamment
aidé Conrad III, dont il avait épousé la nièce
Cunégonde. La seigneurie de Reichshoffen restera
possession des Comtes d'Ochsenstein jusqu'à l'extinction
de cette famille en 1485.
Le 15 juin 1286, sur les instances d'Otton III,
l'empereur accorda à Reichshoffen les droits d'une ville
(le texte intégral de la charte impériale se trouve aux
archives de la mairie de Reichshoffen).

Ruine d'une tour de l'enceinte fortifiée de la
ville.
Dans les guerres survenues entre la noblesse et les
villes le nom de Reichshoffen est souvent cité durant la
période des Ochsenstein. La ville est souvent morcelée
en cinquièmes, sixièmes et pour cimenter certaines
alliances les parts furent distribuées par-ci et
par-là. L'engagement le plus violent de la période des
Ochsenstein eut lieu en 1451. Dans la guerre des frères
Jacques et Louis V de Lichtenberg contre le comte de
Linange, Georges d'Ochsenstein épousa le parti de ce
dernier, en voici la raison. En 1450, Georges, pour vider
une querelle avec Jacques de Lichtenberg, le provoqua en
duel. Le combat devait avoir lieu avec le consentement de
l'empereur à Wissembourg hors de la ville. A cet effet,
Jacques envoya à Georges, sur sa demande la mesure de sa
lance et de son cheval et parut au jour et à l'heure
fixés sur le terrain. Mais au lieu de s'y rendre,
Georges profita de l'occasion favorable pour faire avec
Schatried, une invasion armée sur les terres de
Lichtenberg. Cette conduite peu chevaleresque exaspéra
ces derniers et ils jurèrent d'en tirer une vengeance
éclatante. Survint la guerre (1450-1451) entre Linange
et Lichtenberg. Après plusieurs escarmouches, on en vint
à une action générale près de Reichshoffen, le 5 juin
1451. Malgré des prodiges de valeur, Schafried et
Georges furent battus, faits prisonniers et traînés
dans les sombres cachots du château de Lichtenberg.
Georges en sortit le corps brisé et malade pour le reste
de ses jours. Après l'extinction de la famille des
Ochsenstein, Reichshoffen passa aux mains des comtes de
Deux-Ponts-Bitche (1485-1570).
LES COMTES DE HANAU-LICHTENBERG
Les Comtes de Hanau-Lichtenberg (1570-1664). Dans cette
période se situa la guerre de Trente ans au cours de
laquelle la population de Reichshoffen s'est révélée
particulièrement vaillante, notamment en 1632 et en
1633. Depuis le mois d'octobre 1631, Gustave Adolphe, roi
de Suède, avait à Strasbourg un agent nommé Marx de
Rehlingen, originaire d'Augsbourg. Celui-ci s'occupait
activement de levées que l'autorité locale se chargeait
ensuite d'équiper. Quand il eut réuni un certain nombre
d'hommes, il éprouva le besoin de leur trouver une
garnison. Il choisit la ville de Wissembourg, alors
dépourvue de troupes. La garnison de Wissembourg,
bientôt renforcée par de nouvelles recrues et soutenue
par les sujets du comte de Hanau qui se laissa persuader
par l'envoyé suédois, entreprit contre les villages,
les bourgs et les châteaux du voisinage des « raids »
tantôt heureux, tantôt malheureux, toujours ruineux.
C'est ainsi que toute la cavalerie partit le 30 janvier
1632 pour tomber, sous,les ordres de Rehlingen sur
Reichshoffen. Les habitants prirent les armes et
forcèrent les assaillants à se retirer.
Le 10 mars de la même époque, pour se venger de son
premier échec, Rehlingen fit une nouvelle tentative
contre Reichshoffen. Il avait emmené 300 fantassins, 4
compagnies de cavaliers et 2 canons dont l'un resta
embourbé et l'autre ne réussissait pas à provoquer une
brèche. Rehlingen n'en tenta pas moins un assaut. Mal
lui en prit. Les quatre-vingts bourgeois armés de
mousquets et d'arquebuses, aidés de seize soldats,
s'étaient bravement mis sur les murs pour repousser
l'assaut. Rehlingen eut cinquante de ses braves soldats
hors de combat, entre autres le lieutenant Sollinger de
Strasbourg qui s'était distingué par sa bravoure au
Brésil. Les assaillants se retirèrent, abandonnant
leurs morts que les officiers refusèrent de chercher,
par crainte de nouvelles pertes. Les assiégés, malgré
le sérieux de la situation, conservaient leur humour et
les quolibets fusaient de toutes parts. On croyait avoir
affaire à de vrais Suédois, mais ceux-ci se
révélaient être des Lapons de Strasbourg, des
grignoteurs de petits pâtés (strassburgische
Bastetlinsirässer). « Qu'ils apprennent d'abord à
tirer correctement au lieu de casser les tuiles
innocentes des toits ». Honteux devant ses propres
soldats, Rehlingen devait quitter ce « petit trou »
(das kleine Nest) pour regagner Wissembourg.
L'ANNEE 1633
L'Année 1633 devait être plus dramatique.
Après avoir résisté plusieurs fois, le bourg de
Reichshoffen avait été conquis par les Suédois sous la
conduite du général Christian de Birkenfeld (pour
certains le 17 juin, pour d'autres le 30). On avait pendu
les chefs de l'endroit: le schultheiss (maire) et le
quartier-maître, massacré le reste de la population, à
l'exception d'un petit nombre qui se racheta à prix
d'argent.
Comme les Hanau et les Linange revendiquaient cette
localité, on la leur avait laissée provisoirement
indivisé. Ils y mirent quarante hommes, tant miliciens
que soldats, auxquels se joignirent plus tard cinquante
Suédois. Le 9 décembre 1633 les Impériaux, partis de
Haguenau attaquèrent Reichshoffen. Les assaillants se
partagèrent en deux corps. Pendant que les uns se
présentaient devant les portes et y attiraient la
garnison, les autres, grâce à la glace qui remplissait
les fossés, escaladèrent les murs près du château,
avec le concours des habitants et le surprirent par
derrière. Le château fut pillé et incendié. L'aspect
des ruines nous est conservé dans une aquarelle que fit
en 1865 le vicomte Théodore de Bussière d'après un
dessin de 1768.

Anciens remparts de la vieille ville de Reichshoffen
D'après les archives départementales de Strasbourg et
celles de Colmar, Reichshoffen était totalement détruit
et non habité en 1638. Le territoire était géré par
le « Amtmann » de la Wantzenau. En 1641 la ville
comptait six bourgeois, deux jeunes gens, cinq veuves et
deux jeunes filles.
Tour
des Suédois, de l'ancienne forteresse de Reichshoffen
(photo SB)
Reichshoffen
en 1789
LA COMMUNE DE REICHSHOFFEN EN 1789
En juillet 1789, la Révolution n'a pas touché
Reichshoffen.
L'importance de la ville de Reichshoffen
En 1789, la ville de Reichshoffen, presqu'entièrement
confinée dans ses remparts du 13ème siècle, compte,
avec les hameaux de Wohlfartshoffen et du
Lauterbacherhof, environ 2000 âmes et constitue le bourg
le plus important de ce coin des Vosges du Nord.
En 1638, le Greffier de la Chancellerie épiscopale
écrivait: "le bailliage de Reichshoffen est
absolument ruiné par les Suédois et n'est plus
habité".
Comment peut-on expliquer cette renaissance de
Reichshoffen ?
- par le retour de ceux qui avaient pu fuir à temps
- par l'importante immigration de français et
d'étrangers, autorisés dès 1662, par Louis XIV, à
"se retirer dans le dit pays d'Alsace pour s'y
habituer et en faire valoir les terres restantes".
Suisses, Tyroliens et Luxembourgeois viennent donc s'y
fixer nombreux.
En effet, la Commune dispose de nombreuses terres
disponibles, de grandes forêts fournissant bois de
construction et de chauffage (cent cinquante fagots et
huit stères par citoyen), de nombreux pâturages
communaux et consent de larges exemptions d'impôts aux
nouveaux venus.
De plus, les usines de Dietrich, installées à
Jaegerthal en 1684, à la Schmelz en 1767, offrent de
nombreux emplois d'ouvriers, de bûcherons et
charbonniers, de voituriers.

La Municipalité de Reichshoffen
Fin 1789, les affaires de la Commune sont dirigées par
un syndic, Héberlé, et une dizaine d'officiers
municipaux dont Amann, Fritsch, Hentz, Müller,
Schleininger, élus par les citoyens payant plus de dix
livres d'impôts. Le Maître d'école Lehman rédige les
procès-verbaux des séances qui se tiennent
généralement le dimanche matin, après la messe, en
présence du Curé et parfois du Seigneur Jean de
Dietrich.
Ce n'est que le 30 août 1789, que les premiers échos
officiels de la Révolution parviennent à Reichshoffen :
le syndic lit les 19 articles d'une ordonnance du 22
août sur l'abolition des droits féodaux et la
suppression des privilèges de la Noblesse et du Clergé
(nuit du 4 août) et lit une lettre envoyée par
l'Intendance royale de Colmar, dans laquelle on demande
aux municipalités de recruter des jeunes gens afin de
chasser la populace de Paris ...
De nouvelles élections municipales ont lieu en 1790. Le
Sieur Millet devient ainsi le 1er Maire de Reichshoffen,
mais nommé au Conseil Général de Bas-Rhin, il est
remplacé par Mathias Schleininger le 25 juillet 1790.
Celui-ci jure fidélité au Roi et jure de défendre
"jusqu'à la dernière goutte de sang", la
nouvelle Constitution (élaborée en 1789 et 1790).
Le 30 juillet 1790 est instituée la 1ère Garde
Nationale : les citoyens actifs, au nombre de 280, en
général des pères de famille payant un impôt, ont le
droit de porter des armes pour défendre les lois,
maintenir la paix, faire respecter les décrets de
l'Assemblée Nationale, et font office de
Sapeurs-pompiers.
Le Corps municipal est chargé de "répandre les
nouvelles idées à travers le peuple et surtout de
gérer démocratiquement et sans ingérence extérieure,
les affaires et le patrimoine de la Commune".
En effet, Reichshoffen est déjà une commune sinon
riche, du moins aisée. Ses recettes, en 1763,
s'élèvent à trois mille quatre cent quatre vingt deux
livres, provenant pour l'essentiel de la location des
champs et des prés, de l'exploitation des nombreuses
forêts. La location des emplacements pour les marchés
du jeudi et pour la foire de la St Georges et de la St
Michel, rapporte soixante livres. Les juifs, quant à
eux, payent cent soixante seize livres comme droits de
pâturage et de glandée.
Cette aisance permet à la Commune de disposer d'une
école, d'un nouveau Corps de garde avec prison "en
pierres de taille sur les façades et les pignons"
et d'une église neuve.
En janvier 1790, le Conseil municipal conteste
ouvertement certaines sommes versées au Baron de
Dietrich en temps que droits féodaux : ces droits
représentent pour les paysans un poids insupportable et
les démêlés avec le Seigneur sont nombreux depuis
1761.
Les années difficiles
A partir de 1790, Reichshoffen connaît des
années difficiles.
Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à
l'Autriche. En 1793, la Commune doit lever des
volontaires en vue de renforcer l'armée du Rhin : de
nombreux jeunes se font déclarer inaptes au service et
certains employeurs (le menuisier Héberlé et le
papetier Blum) exigent que leurs ouvriers soient
exemptés. L'Alsace du Nord devient jusqu'en 1814, un
champ de bataille. Les troupes autrichiennes et
prussiennes qui occupent rapidement le Nord-Est, sont
repoussées après la victoire de Valmy (20 septembre
1792), puis reviennent en 1793.
Le 22 décembre 1793 a lieu la bataille de
Reichshoffen. Le front entre les troupes
françaises et allemandes suit le cours du
Falkensteinerbach et de la Moder.
Les Autrichiens avaient construit trois puissantes
redoutes, armées de canons à gros calibre sur le ban de
Reichshoffen, l'une au-dessus de la Schmelz sur le
Mühlberg, la deuxième à la porte même de Reichshoffen
sur le Faubourg de Niederbronn et la troisième sur la
route de Froeschwiller au lieu-dit Neuwald. L'armée
française est installée en face sur le Finkenberg, sur
les collines vers Oberbronn et à Niederbronn.

Le Général Louis Lazare HOCHE (1768-1797)
A 25 ans, il était général, commandant en
chef de l'armée de Moselle.
Il meurt de maladie à 29 ans alors qu'il
sert encore son pays.
Hoche est né le 25 juin 1768 dans le
faubourg de Montreuil à Versailles
"Arrivée en Moselle, Hoche
commence comme toujours par régler les problèmes
d'intendance. Il y a pénurie de vêtements et de
chaussures, les hommes portent des habits légers et
n'ont pas tous des chaussures. En plein hiver, dans les
Vosges, ça vous fait perdre une guerre ! A Paris le
Comité ordonne à Hoche de reprendre Landau que l'armée
du Rhin a dû abandonner en octobre. Hoche préfèrerait
laisser passer les froideurs de l'hiver et se donner le
temps d'établir un plan d'attaque. Mais quand le comité
ordonne, les généraux qui tiennent à leur tête
exécutent. Hoche lance donc ses hommes à l'assaut de
Landau. Les conditions de la victoires n'étaient pas
réunies (doux euphémisme), et Hoche essuie un sévère
échec. Ses choix stratégiques étaient discutables, et
associé à une méconnaissance du terrain, au froid et
au manque d'effectif, il était logique qu'il perde cette
bataille. En période de Terreur, cette défaite aurait
pu lui coûter la vie, mais le Comité de salut public
apprécie ce jeune homme fougueux et lui conserve sa
confiance.
Après ce premier échec, Hoche modifie son plan de
bataille. La victoire se dessine alors. Il prend
Wissembourg et libère Landau.
Il est pressenti pour commander les armées du Rhin et de
la Moselle. Mais Saint-Just qui préférait nommer
Pichegru à ce poste, le dénonce au comité de salut
public. Et le voilà qui passe du statut de héros à
celui de prisonnier !
Emprisonné à la conciergerie, Hoche attend de monter
sur l'échafaud. Ce jeune homme de 26 ans, jeune marié,
ne doit la vie sauve qu'à la chute de Robespierre. Il
recouvre alors la liberté".
Le Général Hoche qui commande ces troupes, contourne
les ouvrages fortifiés autrichiens. Le 12 décembre, il
occupe Nehwiller et de là, il prend Froeschwiller le 22
décembre, obligeant ainsi les Autrichiens, menacés
d'encerclement, à retirer leurs troupes de Reichshoffen,
et à battre en retraite d'abord à Haguenau puis vers
Wissembourg. "Les redoutes ont été emportées à
la pointe de la baïonnette" note Hoche, le soir du
22 décembre. Haguenau est repris le soir de Noël,
Wissembourg le 28 décembre.
Après la victoire française, le Curé Lambrecht et le
Vicaire Holdermann, réfractaires à la Constitution
Civile du Clergé du 12 juillet 1790, émigrent en
Allemagne, suivis d'une centaine de leurs paroissiens.
Les occupations successives ont mis à mal les finances
de la Commune. Le 23 octobre 1793, elle est obligée
d'emprunter six cents florins et de vendre par
adjudication une centaine d'arbres.
Pour faire face aux difficultés, l'Assemblée a confié
le contrôle des affaires au Comité de Salut Public qui
instaure un régime de terreur. Le 5 mai 1793, plusieurs
conseillers municipaux de Reichshoffen sont suspendus de
leurs fonctions pour s'être opposés aux injonctions
gouvernementales. Le 8 octobre 1793, d'autres sont mis en
prison pour vingt-quatre heures pour avoir refusé de
discuter la réglementation du prix maximum des
céréales et des denrées alimentaires imposée par le
gouvernement. La loi oblige, en effet, les paysans à
faire la déclaration des surfaces ensemencées et des
récoltes et les commerçants, celle de leurs stocks.
Les archives relatent de nombreux cas de citoyens punis
pour avoir détourné ou acheté en fraude des
marchandises contingentées. Ainsi, une veuve est mise en
prison parce qu'elle avait acheté environ vingt litres
de blé. Une fille est condamnée à être promenée dans
les rues de Reichshoffen, le dimanche après l'office, la
gerbe de blé volée attachée au cou, puis à être
incarcérée pour huit jours. Le Conseil municipal doit
mettre en place un Comité de surveillance de la moisson
aussi bien pour décourager d'éventuels voleurs que pour
contrôler les paysans qui n'étaient pas enchantés de
livrer leurs récoltes à l'armée car elles étaient
payées en assignats.
Le 2 mai 1794, se présente chez Jacques Gerber, tanneur
à Reichshoffen, le commissaire Jean Jost de Strasbourg
pour réquisitionner, à travers le département, tous
les cuirs disponibles; en effet, Saint-Just avait dit:
"Dix mille hommes sont nu-pieds dans l'armée ; il
faut que vous déchaussiez tous les aristocrates et que
demain à dix heures, les dix mille paires de souliers
soient en marche pour le Quartier général".
On surveille de jour et de nuit les maisons des
émigrés, car un certain nombre d'entre eux sont revenus
et vivent cachés. Ainsi, le 3 mai 1794, un membre du
Comité de surveillance se présente le soir à 1Oh 00 et
frappe à la porte de la maison de Catherine Hassenfratz.
Son mari a émigré. L'agent se satisfait de la réponse
et sort. Mais au lieu de s'en aller, il colle son oreille
contre un volet. Et bientôt, il entend une voix d'homme
à l'intérieur. Il retourne dans la maison. "Um
tausend Gotteswillen, verzeih !" (par amour de Dieu,
pardonne-moi), dit la dame. Mais rien n'y fait :
Catherine et son mari sont arrêtés.
Le 6 mai 1794, est arrêtée la cabaretière Wolff pour
avoir refusé de vendre de la bière aux gendarmes sous
le prétexte mensonger qu'elle n'en avait plus. Après
contrôle de la cave, elle est arrêtée.
Certains profitent des troubles pour régler des comptes
personnels. C'est ainsi qu'en automne 1793, un citoyen
est heureux de voir arriver les troupes autrichiennes
pour faire arrêter son voisin avec lequel il était en
litige et le faire conduire au "camp des
tyrans" à Langensoultzbach. Aussitôt les Français
revenus, ce voisin porte plainte à son tour et fait
arrêter le premier citoyen.
A partir de juillet 1793, les libertés conquises en 1789
sont supprimées par la Terreur. Le Conseil municipal
n'est plus élu mais nommé par les instances
départementales. A Reichshoffen sont mis en place
certains conseillers "bons patriotes et véritables
sans-culotte" qui s'en prennent à leurs concitoyens
et les font arrêter sans vergogne, qui mettent en vente
les biens confisqués de l'Eglise, (soixante-six arpents
de l'Hospice des pauvres) et une partie importante des
biens communaux dont ils se portent acquéreurs à bas
prix en payant avec des assignats.
Somme toute, les choses se sont relativement bien
passées, les Reichshoffenois, contrairement à leurs
voisins de Dauendorf, Ettendorf et Oberbronn, ne se sont
pas laissés aller à des actes de violence contre le
château seigneurial, la maison communale avec le corps
de garde, l'église.
LA SEIGNEURIE DE REICHSHOFFEN EN 1789

I - En 1789 le SEIGNEUR DE REICHSHOFFEN est le
BARON JEAN DE DIETRICH et ce, depuis 1761.
C'est en effet à cette date que Jean de Dietrich,
récemment anobli par le roi Louis XV (mais également
fait baron d'empire en 1762), achète à François duc de
Lorraine, époux de l'impératrice Marie-Thérèse
d'Autriche, "la Terre et la Seigneurie de
Reichshoffen ... petite ville fermée ci-devant de
murailles, avec pont-levis aux deux portes, fossés
remplis tout alentour et le château tout joignant dans
l'enclos des murailles de la ville, aussi entouré d'eau,
mais ruiné par le feu, n'y restant plus que les
murailles".
En acquérant les seigneuries d'Oberbronn et de
Niederbronn, tout ou partie, le Comté du
Ban-de-la-Roche, il devient le plus riche propriétaire
terrien d'Alsace. (Quelques bornes à ses armes
"dans un écu d'azur un soleil d'or, l'écu timbré
d'une couronne de baron" sont encore visibles au
Sandholz et sur les collines vers Oberbronn).
Parmi ses ancêtres il faut citer Didier Demange qui,
pour échapper aux persécutions dont sont victimes les
protestants dans le duché de Lorraine, s'établit en
Alsace au milieu du XVIe siècle, devient Dietrich
Sonntag et fonde une famille bourgeoise enrichie dans le
commerce et les affaires bancaires, et Dominique Dietrich
qui, en 1681, négocie la reddition de Strasbourg à
Louis XIV mais préfère s'exiler plutôt que de renier
le luthéranisme.
II - Mais JEAN DE DIETRICH est également, en
1789, L'UN DES PLUS PUISSANTS INDUSTRIELS DE FRANCE
(plus important que De Wendel en Lorraine).
a) Il hérite des forges de Jaegerthal rachetées par sa
famille en 1684, il construit deux hauts-fourneaux à
Reichshoffen sur l'emplacement d'un ancien moulin
seigneurial, une forge et un laminoir au Rauschendwasser
en 1767, une forge à Niederbronn en 1769. Il rachète la
forge de Zinswiller en 1769, celle de Rothau en 1771 et
enfin celles de Mouterhouse et Mertzwiller, et élimine
ainsi toute concurrence dans l'exploitation des matières
premières et la vente de produits finis : les fers
marqués du "cor de chasse" depuis 1778 sont
d'une qualité telle qu'ils peuvent être vendus à
l'arsenal militaire de Strasbourg et à la fabrique
d'armes de Klingenthal.
b) Ses usines utilisent la force motrice du Schwarzbach,
du Falkensteinerbach et de la Zinsel. Elles consomment
d'énormes quantités de bois: en 1786 - 80.000 stères
de bois sont transformés en charbon de bois dans les
forêts de la région (9000 hectares dans celle de Bitche
par exemple). Elles transforment le minerai de fer en
provenance de Jaegerthal, de Mietesheim et de
Lampertsloch. Elles emploient, en 1787 - 918 personnes :
300 mineurs, 150 bûcherons, 140 charbonniers, 160
voituriers et 168 ouvriers "productifs".
c) A la Schmelz il n'y a au début que 4 fondeurs, 6
chargeurs, 2 pileurs de castine (kalkstein servant de
fondant) comme ouvriers hautement qualifiés, originaires
de Bâle ou de Solingen. De ceux dont Frédéric de
Dietrich, fils de Jean, écrit en 1789 : "en
général les salaires sont très considérables, il y en
a qui gagnent plus de 72 livres par mois". Et le
baron affirme : "En ce moment-ci je fais subsister
1500 familles par le roulement des quatre forges qui
appartiennent à mes différentes terres ... et la
quantité de pauvres que j'emploie me bénissent"
(on aurait pourtant voulu entendre ce que les salariés
en disent !).
En l'absence de journaux comptables et de bulletins de
salaires, il est impossible de chiffrer le mieux-être
que les forges de Dietrich ont apporté à Reichshoffen.
Les nouveaux ouvriers à côté de leur emploi gardent
une petite exploitation agricole devenant ainsi
ouvriers-paysans. Mais les édiles municipaux voient la
chose plutôt d'un mauvais il : on limite les
droits de pâturage et de glandée de cette nouvelle
catégorie sociale. On fait borner et clôturer les
jardins, tous situés en dehors des murailles de la
ville, "pour contenir l'avidité des ouvriers".
Les nouveaux-venus ne peuvent plus élever de gros
bétail : une ou deux chèvres, un ou deux porcs. Et la
tradition des "Geissebüre" va durer jusqu'au
XX' siècle.
Notons également qu'à la fin du XVIIIe siècle, la
poussée démographique à Reichshoffen et dans les
environs est la plus forte d'Alsace, identique à celle
que l'on constate en Allemagne, alors qu'elle est
régressive en France. Et contrairement aux villages
avoisinants, Reichshoffen ne connaît pas d'exode rural
malgré la médiocrité du sol; la Schmelz est un foyer
d'attraction, si bien que les murs de la ville ne peuvent
plus contenir le flot des nouveaux arrivants.
Et de plus, pendant la Révolution, le Comité
Départemental de la Mendicité constate que le taux des
pauvres à Reichshoffen n'est que de 5 % contre 15 à 20
% dans l'ensemble du département.
d) En 1789, les "de Dietrich" ne sont pas les
seuls employeurs à Reichshoffen : la papeterie Blum (40
ouvriers), une tuilerie, un moulin à huile, un moulin à
farine établis sur le Schwarzbach, une deuxième
papeterie, une huilerie, une tannerie sur le
Falkensteinerbach emploient une nombreuse main
d'uvre et le maître-maçon Christian G'STYR
travaille avec de nombreux ouvriers sur de grands
chantiers (Schmelz 1766, forges de Niederbronn 1769,
château de Dietrich 1770, église de Reichshoffen 1771,
presbytère protestant de Niederbronn 1775).
Cependant, ils fournissent, directement ou indirectement,
du travail à de nombreux habitants de Reichshoffen, ce
qui explique l'ambiguïté des rapports entre les
habitants et leur seigneur. En effet, les convois
transportant le minerai de fer, le charbon de bois, la
castine, le sable, les gueuses, les produits finis,
abîment beaucoup l'unique rue traversant Reichshoffen,
et les routes menant vers Niederbronn, Gundershoffen et
Jaegerthal. D'où le mécontentement des paysans de la
commune à qui en incombent l'entretien et la réfection
par travaux de corvée. Au printemps de l'année 1789,
les paysans s'en prennent aux voituriers des forges, au
service du seigneur, qui refusent de payer le péage en
traversant les ponts de la commune. Des chevaux sont
confisqués et la justice doit intervenir. Ce n'est là
qu'un épisode du long conflit qui oppose Reichshoffen à
son seigneur et qui a abouti à un procès. Le problème
se complique encore quand on sait qu'un certain nombre de
ces voituriers sont des paysans de Reichshoffen
déchirés entre leur appartenance à la commune et leur
gagne-pain aux forges de Dietrich. Ainsi, en 1772 déjà,
lors d'une assemblée des 208 citoyens actifs de la
commune, 28 votent contre la continuation du procès
intenté au baron. Peut-être craignaient-ils pour leur
emploi ?
III - LES DE DIETRICH SONT PRIS DANS LA TOURMENTE
REVOLUTIONNAIRE.

En 1793, le fils de Jean de Dietrich, Frédéric, premier
maire élu de Strasbourg, meurt sur l'échafaud et Jean
de Dietrich "père du traître de ce nom" est
arrêté et interné. Ses biens et ses forges sont mis
sous séquestre par la Commission des Armes et Mines de
la République. L'administration de l'usine de
Reichshoffen est confiée au citoyen Auguste Didier, qui
rencontre immédiatement de grandes difficultés : hommes
et chevaux réquisitionnés pour la guerre, bâtiments
occupés par les armées. Libéré à la fin de la
terreur, Jean de Dietrich meurt le 1er janvier 1795, son
petit-fils Jean Albert Frédéric abandonne sa carrière
d'officier pour reprendre l'affaire familiale au bord de
la ruine et fait lever le séquestre en septembre 1795.
Pour réunir l'argent nécessaire à relancer les
activités des forges, il s'associe à un banquier,
Karth, vend des immeubles à Niederbronn et à Strasbourg
et même en 1804 son château à Mathieu de Favier (il
est cédé en 1811 à son beau-frère Paul Athanase de
Bussière, devient par mariage propriété de la famille
de Leusse avant de redevenir propriété de Dietrich
après la deuxième guerre mondiale). Lorsqu'il meurt en
1806, sa jeune veuve, Amélie de Berckheim, conduit
l'entreprise "Veuve de Dietrich et fils" au
succès, grâce en partie, aux indemnisations que la
famille arrive à se faire payer par l'empire allemand en
tant que "princes possessionnés en Alsace".
C'est sous sa direction que la Schmelz est transformée
en ateliers de construction "de diverses espèces de
machines".
Essayons d'expliquer pourquoi les 2000 habitants de
Reichshoffen ne se sont pas révoltés en 1789 comme les
habitants de Strasbourg ou les paysans de Neubourg,
Mertzwiller et Oberbronn.
Le souvenir des massacres, des pillages et des incendies
dont avait souffert Reichshoffen, des ruines du château
rasées en 1770 était-il assez vivace pour dissuader nos
ancêtres de se laisser aller à des actes de violence
qui risquaient de se retourner contre leurs auteurs ?
Le niveau d'instruction (4 jeunes hommes et 14 jeunes
filles sur 18 couples ne savent pas signer de leur nom le
registre des mariages en 1788) était-il encore trop
faible pour donner à chacun conscience de ses droits et
de sa dignité ?
Jean de Dietrich perd, la nuit du 4 août 1789, son titre
de Seigneur mais reste le patron de la Schmelz et des
autres forges et les salaires, même faibles, assurent un
certain bien-être aux ouvriers-paysans. Malgré le
procès dont il a été question, ses rapports avec les
habitants ne sont pas mauvais : "Je suis revenu hier
à Reichshoffen, écrit-il le 4 mars 1771, ... j'ai rendu
mes bonnes grâces à la communauté ... La joie a été
générale; j'ai lieu d'être content de la conduite des
habitants et me suis aperçu avec grand plaisir de leur
attachement" (propos du seigneur de Dietrich et non
de la population !).
Enfin, en 1789, les habitants et leurs conseillers
municipaux sont si préoccupés par des problèmes
concrets (agrandissement et embellissement de la ville,
bonne gestion du patrimoine commun, instruction et
éducation des enfants ... ) qu'ils ne se sentent pas
concernés par les idées abstraites de liberté et
d'égalité.
Source
des informations Société d'histoire de Reichshoffen et
environs

|